15 Mai 2023, jour J-1.
Tout est prêt dans le bureau réaménagé en « salle de soins » pour Frédéric, hémodialysé depuis avril 2022, après une grosse intervention chirurgicale où il a perdu toutes fonctions rénales et urinaires.
Accueilli depuis plusieurs mois à l’ALTIR du C.H.U. de Brabois, il a suivi scrupuleusement une formation pour connaître le fonctionnement de la machine Physidia, et surtout l’art et la manière de procéder aux ponctions artérielle et veineuse sur sa fistule pratiquée en août 2022 au bras gauche.
C’est avec beaucoup de courage et surtout de volonté qu’il a envisagé cette hémodialyse à domicile, ses déplacements à Brabois étant très épuisants, car même si les voyages forment la jeunesse, à 70 ans et lorsqu’on habite à 60 kms cela devient vite lourd à gérer.
Et comme nous sommes unis pour le meilleur et pour le pire, je n’ai pu qu’approuver cette démarche, et me suis donc "collée" aussi à la formation pendant 6 semaines avec un lever à 5 h du matin 5 jours sur 7, pour nous deux, des trajets de près d’une heure, et une concentration au maximum pour bien retenir les gestes et le fonctionnement de la machine. La détermination de mon époux ne pouvait que me booster, guidée aussi par l’amour que nous partageons depuis plus de 40 ans. Et ma foi, je ne m’y prenais pas si mal, moi qui n’avais été qu’une administrative et dont les doigts ne connaissaient que le clavier de l’ordi. J’étais devenue à 75 ans, «infirmière» à domicile, apprenant la façon de caler la fistule pour un piquage facile, à aider lors des étapes de branchement et à « dépiquer » en fin de séance.
Après toutes ces semaines d’apprentissage, le jour J approchait à grands pas, il fallait donc aménager notre logement en conséquence. Nous avons donc « sacrifié » la petite chambre qui servait à accueillir nos petits-enfants, et j’y ai logé mon bureau. Les petits devenus grands ont d’autres priorités que de passer leurs vacances avec papy et mamie, c’est tellement mieux avec les copains, voire les copines !!! L’ancien bureau est devenu la pièce à dialyse avec ses étagères de stockage du matériel nécessaire aux séances, le meuble qui supporte la machine, la table de soin, le fauteuil électrique et le petit coin TV. Nous avons même pu y caser le bureau de Frédéric. Dans cette « chambre » il est plus près de la pièce à vivre et peut profiter de mes déplacements dans la maison.
En amont de cette première séance, nous avons reçu la commande de la pharmacie pour les consommables nécessaires aux séances, et là…. Mon Dieu, mais où allons-nous stocker tout ça ?? C’était sans compter sur l’esprit débrouillard de ma moitié qui a trouvé d’emblée à ranger tous les cartons et consommables livrés (près d’une tonne par mois) … Moi, je m’occupe de la partie « paperasse » : inventaire mensuel des stocks et commande de pharmacie, relevé des séances, tenue des paramètres journaliers des séances. Comme vous le voyez, je me suis octroyée la partie la plus facile de l’hémodialyse…. Enfin, c’est ce que je croyais !!
16 Mai 2023 – Jour J
Aie, aie, aie ! Je ne sais pas pourquoi j’ai la boule au ventre…. Frédéric a préparé sa machine, installé tous les consommables, les poches de dialysat, paramétré la tablette et nous attendons Claire, notre Infirmière coach de l’ALTIR qui doit nous superviser pour cette première séance à domicile. Tout se joue maintenant…. Et tout se passe aux « petits oignons ».
Pendant la séance, j’essaie de vaquer à mes occupations ménagères, mais je courre à la moindre alarme de la machine que Frédéric maîtrise parfaitement. Il est d’un calme impressionnant. Je lui apporte un petit café réconfortant et une madeleine au cours de la première heure. Je note les paramètres de la tension artérielle toutes les 45 minutes (ça me permet de guetter en douce si tout se passe bien !). Il faut aussi que je surveille le rôti… ça ce n’est pas gagné !! Mais on sait très bien que les femmes peuvent faire plusieurs choses à la fois !! Restons positifs.
La première séance s’est bien déroulée, dépiquage impeccable, compression, et j’applique le bandage. Nous sommes fiers de notre exploit. Je pousse un gros OUF ! Rebelote demain.
Les séances se déroulent les unes après les autres, avec des jours où tout va bien et d’autres où cela se complique quand la machine tombe en panne et que nous n’arrivons pas à joindre le service technique par exemple (généralement le samedi !), ou que les poches de dialysat se percent et inondent la pièce. Tout cela n’entame pas notre complicité et nous essayons de franchir tous ces obstacles ensemble, calmement, en restant optimistes et volontaires.
Hélas, à la mi-juin la FAV (fistule artérioveineuse) présente un débit trop élevé et « vole » ainsi la circulation sanguine de l’avant-bras. La main de Frédéric n’est plus irriguée et le fait souffrir. Retour au bloc opératoire de chirurgie vasculaire le 10 juillet pour création d’une nouvelle fistule sur l’avant-bras. En attendant qu’elle soit opérationnelle, on continue à utiliser la précédente dont les vaisseaux sont de plus en plus fuyants, et à plusieurs reprises, Frédéric doit être pris en charge par l’ALTIR en urgence car l’hémodialyse à domicile devient trop compliquée.
Enfin, en septembre, le Chir. vasculaire donne son feu vert pour utiliser le nouvel abord. Quelques séances d’éducation pour le piquage sur cette nouvelle FAV nous sont dispensées, et c’est toujours avec beaucoup de motivation que nous reprenons nos séances à la maison…
Hélas, tout se complique encore une fois. L’épuisement et le stress dûs sans doute aux vicissitudes subies depuis de nombreux mois mettent à mal mon corps vieillissant. Alors que tout se passe bien lors de ma présence à l’ALTIR, il n’en va pas de même à la maison : sans doute parce que j’appréhende le piquage, je n’arrive plus à maintenir correctement la fistule en place, et évidemment les ponctions deviennent catastrophiques. Pourtant, Frédéric ne se plaint jamais, allant jusqu’à recommencer 4 fois de suite son piquage…… Alors, je dis STOP…
C’est le retour à l’ALTIR. Nous encaissons mal cet échec, malgré la gentillesse du personnel qui nous rassure et nous félicite d’avoir tout tenter. C’est un grand merci que nous leur devons pour leur professionnalisme, leur prévenance et surtout leur patience.
Frédéric va se tourner vers l’auto-dialyse. Je sais qu’il le fait aussi pour moi. Cependant dans notre esprit, il subsiste toujours un petit espoir : celui d’essayer et de réessayer encore la dialyse à la maison, espérant qu’après cette trêve je serai en forme et qu’une nouvelle façon d’aborder les vaisseaux sera trouvée afin d’abolir la torture des ponctions veineuses ! Ne ditons-pas que l’espoir fait vivre……
.
HEMODIALYSE QUAND TU NOUS TIENS !
Elle est là qui m’attend Cette drôle de machine Pour me sucer le sang L’avaler et le recracher dans ses tuyaux Elle ne s’appelle pas « Micheline » Je ne suis pas cheminot. Chaque jour, nous avons rendez-vous Je lui donne mon bras Pour aller on ne sait où Dans mon trip, loin là-bas. Parfois, Elle rugit d’impatience Révélant mon inexpérience Sur son clavier mes doigts la caresse Et Elle se calme l’exigeante maîtresse. Ma femme parfois la jalouse Celle qui n’a rien d’une belle Andalouse Car Elle nous vole trop de temps A nous qui nous aimons tant. Après des heures de complicité Elle consent à me libérer Mon corps allégé et tout neuf Est prêt à faire la « teuf ». La balance me rappellera à l’ordre Pas question d’entrer dans le désordre ! Alors, à demain ma belle Physidia Je sais que tu m’attendras. Tel est maintenant mon destin Puisque le « crabe » a mangé mes reins !