Marie vient d’avoir dix-huit ans
Pourtant, ce n’est déjà plus une enfant .
Ses cheveux blonds sous son châle bleu
Ne reflètent plus la lumière, tout comme ses yeux
Pas même la lueur d’un cierge…
Car cette madone là n’est pas la Vierge !
Marie est là, tapie dans l’ombre d’une cochère
Dans cette rue noire et pourtant si familière.
Avec sa jupe en lambeaux
Et la crasse qui lui colle à la peau,
Elle tremble de froid et de peur
En serrant son fardeau sur son cœur.
Les souvenirs qu’elle voudrait oublier
Tournent sans cesse dans ses pensées….
Tout cela semble si loin
Mon Dieu, comme ils étaient bien…
Il était si fort, si tendre, si beau
Pour elle, tout était nouveau.
L’amour les a pris dans ses bras
Au diable, papa, maman et leurs bourgeois.
On croque la vie à pleines dents
Se jouant des préjugés et du temps.
Ensemble, on veut tout essayer
Les cigarettes, l’alcool et les cachets.
La dépravation est devenue leur lot quotidien
Mais, paraît-il…. Ça leur faisait du bien.
Hélas, quand de Marie le ventre s’est arrondi
Sans demander son reste, il s’est enfui.
Trop tard pour, de ce petit être, se débarrasser…
A l’intérieur quelque chose a bougé…
Elle a traîné son malheur pendant des mois
Survivant à son grand désarroi
Ne sachant plus si elle existait
Ecoutant ce souffle de vie qui grandissait.
Puis la douleur l'a prise ce soir de réveillon
Il est arrivé ce tendre poupon.
Niché aux creux de ses bras
Il la regarde et ne comprend pas :
Quel drôle de monde que celui-là
Pourquoi tant de larmes versées sur moi ?
Marie, après tant de souffrances
Ne cesse de pleurer et supplier :
«Mon Dieu, si vraiment vous existez
Arrêtez mon errance
Ne laissez pas cet enfant nu
Moi, je ne peux lui offrir que la rue.
Rien ne bouge, si ce n’est les badauds
Qui vont joyeux les bras chargés de cadeaux.
Chacun court, va et vient
Sans même un regard pour son voisin
N’ayant qu’une seule idée en tête
Se préparer une belle fête.
Marie est seule avec son enfant
Personne ne la voit, personne ne l’entend….
L’enfant pleure d’une voix ténue
Agite avec frénésie ses petites mains
Il a froid, il a faim
Marie n’en peut plus…
Oubliant même que Dieu l’a pourvue de ce qu’il fallait
Pour donner à son petit le meilleur des laits,
Elle fouille avidement dans ses poches
Cherchant de quoi subsister pour son mioche.
Mais que nenni….rien du tout.
Ah ! Si tiens …. Ce vieux bijou !
Elle regarde, pensive, la jolie croix dorée
Souvenir d’un jour où elle avait communié.
«Toi Jésus, où donc es-tu?
Il y a deux mille ans que tu as disparu
Aurais-je donc aussi perdu la foi ?...
Non, Seigneur, je crois que je crois»
A ce moment là, Joseph de Noailles
Rentre chez lui avec son panier de victuailles.
Perdu dans ses tristes pensées,
Il ne voit l’obstacle que pour l’éviter.
Baissant les yeux, il la voit
C’est à peine s’il la reconnaît
Comment pourrait-il croire que c’est vrai…
Sa fille, la chair de sa chair
Est là,
Telle un animal à terre.
Comme le soleil après l’orage,
La lune déchire les nuages
Joseph veut croire au miracle
Malgré ce désolant spectacle.
Alors l’enfant sans nom de Marie
Lui emplit les oreilles de son cri.
Emu, Joseph a tout compris.
Avec force et amour, il étreint Marie.
«Viens, dit-il, toi et ton petit
Dans mon cœur, tu n’étais jamais partie
Nous allons de ce pas à ta mère porter la bonne nouvelle
Je crois que ce sera le plus beau de nos Noël !»
Une fois encore le Miracle de la Foi s’est accompli
Marie a donné la vie,
Pour emplir le monde d’amour et de joie
Tout comme autrefois, là-bas.
Colette-2/12/2012